Alors que le Rwanda se positionne comme un acteur clé dans la transformation des minerais stratégiques, le pays fait face à une pénurie criante de matières premières pour alimenter ses fonderies. L’industrie minière rwandaise, en pleine expansion, repose en grande partie sur des ressources en provenance de la République démocratique du Congo (RDC), où le mouvement rebelle du M23, soutenu par Kigali, contrôle désormais plusieurs sites stratégiques.
Une industrie minière à l’arrêt faute de matières premières
L’usine LuNa Smelter, spécialisée dans la transformation de la cassitérite en étain pur destiné au marché international, fonctionne actuellement à seulement 30 % de sa capacité. Ce complexe métallurgique, financé par la société polonaise Luma Holdings en partenariat avec le groupe rwandais Ngali Holdings, peine à s’approvisionner en minerais.
Dans la région de Bugesera, un autre projet ambitieux est en cours : la construction d’une raffinerie de coltan par la Bugesera Mining and Trading Company. Cet établissement, destiné à séparer le tantale du niobium, fait face à un défi majeur : l’approvisionnement en minerai brut.
Le M23, bras armé de Kigali pour contrôler les ressources congolaises
Face à cette crise d’approvisionnement, le Rwanda semble avoir intensifié ses actions en RDC. En avril 2024, les rebelles du M23, soutenus par Kigali, ont pris le contrôle de la mine de Rubaya, un site stratégique qui représente à lui seul 20 % de la production mondiale de coltan. Avec une teneur en tantale atteignant 30 %, ce coltan est l’un des plus purs au monde.
Depuis cette prise de contrôle, la production minière de Rubaya – environ 400 tonnes de coltan et 500 tonnes de cassitérite par semaine – est désormais sous la mainmise du Rwanda. Ce minerai congolais est ensuite acheminé vers les fonderies de Kigali, où il est blanchi en étant mélangé avec des quantités minimes de coltan extrait au Rwanda.
Une source experte, Pierre Jacquemot, explique :
« La filière est désormais sous domination rwandaise, avec une logistique bien huilée permettant de faire transiter clandestinement les minerais de RDC vers le Rwanda. »
L’équation économique est simple : en mélangeant 500 tonnes de coltan congolais avec seulement 20 tonnes de coltan rwandais, Kigali parvient à revendre 520 tonnes de coltan officiellement estampillé « Made in Rwanda ».
Un projet d’annexion économique du Kivu
Cette stratégie de prédation ne s’arrête pas à l’exploitation minière. Selon plusieurs sources, Kigali préparerait l’implantation d’une banque de développement dans le Kivu, visant à structurer et financer son influence dans la région. Certains observateurs n’excluent pas que le Rwanda tente d’imposer sa monnaie nationale en remplacement du franc congolais dans les zones sous contrôle du M23.
Depuis trois décennies, Kigali alimente les tensions interethniques dans l’Est de la RDC, exploitant les rivalités communautaires pour asseoir son influence. Officiellement stable et unie à l’intérieur de ses frontières, la stratégie extérieure du Rwanda repose sur l’instrumentalisation des solidarités ethniques, notamment au sein du M23, composé en majorité de Tutsis.
À travers cette politique expansionniste, Kigali semble accélérer son emprise sur les ressources du Kivu, laissant entrevoir un projet d’annexion de facto de cette région stratégique, au détriment de la souveraineté congolaise.