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samedi, avril 19, 2025

Affaire des Forages : Un Procès Sous Haute Tension, Des ONG Déplorent L’Escamotage Du Remboursement des Fonds Détournés

L’affaire dite des forages, qui oppose le ministère public à l’ancien ministre d’État en charge du Développement Rural, François Rubota, et à l’entrepreneur Mike Kasenga, patron de l’entreprise Stever Construct, arrive à son épilogue. En dépit des révélations sur les détournements de fonds publics, des organisations de la société civile et des ONG spécialisées dans les finances publiques dénoncent un « mauvais signal » après le réquisitoire du ministère public, qui a omis de réclamer le remboursement des sommes détournées.

Le réquisitoire : des peines de prison, mais pas de restitution des fonds détournés

Le procès, ouvert le 4 novembre dernier, a pris une tournure controversée avec le réquisitoire du ministère public rendu le 23 décembre 2024. Selon le procureur, Mike Kasenga aurait détourné une somme colossale de 71 816 829 USD, destinée à la construction des forages en République Démocratique du Congo (RDC). Toutefois, il n’aurait affecté que 24 853 669 USD à la réalisation des travaux, le reste ayant été transféré sur ses comptes bancaires personnels (46 963 160 USD). Pourtant, au lieu de réclamer la restitution de cette somme au Trésor public, le procureur a requis une peine de 20 ans de travaux forcés contre Kasenga et des mesures restrictives pour l’ancien ministre Rubota, telles qu’une interdiction d’accès aux fonctions publiques et une privation de droit à la réhabilitation.

Une omission inquiétante
Le fait que le ministère public ait escamoté la restitution des fonds détournés est perçu comme un mauvais signal, non seulement par les ONG, mais aussi par des citoyens et des experts en finances publiques. Plusieurs acteurs de la société civile se sont insurgés contre cette omission, jugeant la réponse judiciaire disproportionnée et insuffisante au regard des sommes détournées. Un activiste d’un mouvement citoyen a commenté : « Ce serait un cadeau désagréable offert à l’opinion publique pour le nouvel an, si jamais les juges n’allaient pas au-delà du réquisitoire du ministère public. Les condamnés doivent restituer les fonds détournés. »

Cette omission est particulièrement frappante lorsque l’on considère la nature des accusations, à savoir un détournement flagrant de fonds publics, qui aurait dû, selon les experts, être sanctionné par une demande explicite de restitution des sommes détournées. Mais cette exigence ne figure pas dans le réquisitoire, et l’accent a été mis sur des peines de prison plutôt que sur la réparation du préjudice financier subi par le Trésor public.

Une condamnation « pour rire » selon une enseignante en droit

Les peines de prison demandées par le procureur, bien que sévères en termes de durée, ont été jugées par certains observateurs comme une tentative de « spectaculaire » visant à apaiser l’opinion publique, plutôt que de véritablement rétablir la justice. Une enseignante en droit a commenté sur les réseaux sociaux : « Des propositions de condamnation pour rire, sinon pour éblouir les Congolais toujours plus émotifs que rationnels. » Selon elle, la priorité aurait dû être donnée à la restitution des fonds volés.

François Rubota, ancien ministre et responsable du marché public à l’époque des faits, a vu sa peine réduite à un quart de celle requise pour Kasenga. Le procureur a également demandé une série de sanctions complémentaires, telles que 10 ans d’interdiction d’accès aux fonctions publiques et para-étatiques pour Kasenga, et 5 ans de privation de droit de vote et d’éligibilité pour Rubota.

Des peines qui risquent de ne pas être exécutées

L’opinion publique semble dubitative quant à l’effectivité des peines prononcées. Le pénitencier de Makala, bien que l’un des plus connus de la RDC, est souvent perçu comme un lieu où les prisonniers influents bénéficient de privilèges. Selon certains, les conditions de détention à Makala seraient bien loin de la rééducation souhaitée pour des personnalités comme Rubota et Kasenga, qui pourraient bénéficier de traitements de faveur en raison de leur statut social ou économique.

Certains observateurs prédisent que, tout comme dans d’autres affaires de corruption de haut niveau, les peines de prison risquent de ne pas être exécutées pleinement. En effet, de nombreux prisonniers ayant une certaine influence dans la société congolaise réussissent à obtenir des aménagements de peine, notamment en raison de leur pouvoir politique ou économique.

Des révélations à venir ?

Le procès des forages pourrait encore réserver de nouvelles révélations. Si la sentence du tribunal de la Cour de cassation, attendue le 22 janvier 2025, est conforme au réquisitoire du ministère public, Rubota et Kasenga pourront encore se pourvoir en cassation. De plus, si les deux prévenus décident de charger d’autres personnalités, comme Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, l’ancien ministre des Finances, qui a supervisé des décaissements de fonds de la Banque Centrale dans des conditions controversées, cela pourrait relancer l’affaire et mettre en lumière d’autres aspects du scandale.

Le rôle de l’Inspection Générale des Finances (IGF), dirigée par Jules Alingete Key, est également mis en lumière, notamment en raison de son rôle d’enquêteur dans cette affaire. Si Rubota et Kasenga venaient à nommer des responsables de plus haut niveau, cela pourrait bouleverser davantage l’issue de ce procès.

Un procès aux conséquences politiques et sociales

Ce procès n’est pas qu’une simple affaire judiciaire, il a également des implications politiques et sociales majeures. En RDC, la lutte contre la corruption est au cœur des préoccupations des citoyens et des mouvements de la société civile. Si la justice ne va pas au bout de l’affaire en exigeant la restitution des fonds détournés, cela pourrait renforcer le scepticisme de l’opinion publique vis-à-vis des institutions judiciaires et du système politique dans son ensemble.

En fin de compte, la manière dont ce procès se termine pourrait soit renforcer la confiance des Congolais dans la justice, soit nourrir les critiques sur le manque de transparence et d’équité dans le traitement des affaires de corruption en RDC.

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