Le Prix Nobel de la Paix 2018, le Dr Denis Mukwege, s’est exprimé avec une vive inquiétude après la publication du dernier rapport des experts de l’ONU, confirmant le soutien direct du Rwanda à la rébellion du M23 dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Malgré les annonces récentes d’une trêve humanitaire et d’un cessez-le-feu, le gynécologue et militant des droits humains a dénoncé ce qu’il considère comme une violation flagrante du droit international par le régime de Kigali.
Mukwege, qui est également le directeur de l’hôpital de Panzi à Bukavu, a exprimé sa colère face à ce qu’il considère comme une politique expansionniste de Kigali en RDC, utilisant des groupes armés comme le M23 pour déstabiliser la région. Selon le rapport des experts de l’ONU, le M23 bénéficie de l’appui de 3 000 à 4 000 soldats des Forces de Défense rwandaises (RDF), soutenus par des équipements militaires sophistiqués. Ces forces rwandaises supervisent directement les opérations menées par le M23 dans les zones stratégiques du Nord-Kivu, notamment Nyiragongo, Rutshuru et Masisi.
« Les condamnations verbales et les discours creux ne suffisent plus. Des sanctions fortes doivent être imposées à ceux qui déstabilisent la région. Le Rwanda doit retirer ses forces du sol congolais et cesser de soutenir les rebelles », a martelé Denis Mukwege. Il a également souligné l’impact économique de cette situation, notamment dans les zones minières comme Rubaya, riche en coltan, un minerai essentiel pour l’industrie mondiale des technologies et des énergies renouvelables.
Le rapport des experts de l’ONU met en lumière que le M23, avec le soutien du Rwanda, contrôle illégalement l’extraction, le commerce et l’exportation de coltan, générant des revenus estimés à 800 000 USD par mois. Ces fonds alimentent une économie de guerre déstabilisatrice et favorisent le maintien des activités des rebelles dans la région. Mukwege alerte sur les conséquences mondiales de cette situation : « La contamination des chaînes d’approvisionnement en minerais ‘3T’ (étain, tantale, tungstène) dans la région des Grands Lacs a atteint des niveaux records, compromettant ainsi la transition énergétique mondiale », a-t-il averti.
Le gynécologue congolais appelle la communauté internationale à prendre des mesures immédiates et décisives pour mettre fin à cette exploitation illégale des ressources naturelles, soulignant l’importance de stopper ce pillage organisé pour garantir une transition énergétique juste. « Pour une transition énergétique juste, le monde doit cesser de fermer les yeux sur ce pillage organisé », a-t-il insisté.
Kagame Démasqué par l’ONU
Le rapport des experts des Nations Unies, publié mercredi, révèle également des détails inquiétants sur l’implication directe du Rwanda dans les opérations du M23. Près de 4 000 soldats des Forces de Défense Rwandaises (RDF) seraient déployés en RDC, et les forces spéciales rwandaises superviseraient directement les opérations sur le terrain. « Sans leur appui stratégique et logistique, l’expansion du M23 aurait été impossible », précise le rapport, soulignant que l’avancée rapide du M23 vers Walikale en octobre 2024 a été facilitée par des armes de pointe fournies par Kigali.
Le M23 et l’Alliance Fleuve Congo (AFC), bien que théoriquement distincts, coopèrent étroitement sous l’autorité de Sultani Makenga, chef du M23. Le rapport révèle que des campagnes de recrutement intensives ont lieu dans les territoires occupés, consolidant ainsi le contrôle des rebelles sur leurs nouvelles zones d’influence, notamment dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Denis Mukwege, qui a toujours été un ardent défenseur de la paix et de la justice, conclut son appel en insistant sur la nécessité de mesures concrètes pour stopper cette crise humanitaire et sécuritaire dans l’est de la RDC. Le médecin congolais demande à la communauté internationale de prendre des sanctions ciblées contre les responsables rwandais, estimant qu’il est désormais urgent de mettre un terme à cette « économie de guerre » qui ravage non seulement la RDC, mais également la stabilité régionale et mondiale.