Lors d’un meeting populaire à la Grand-place de Bonzola, à Mbujimayi, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a pris la parole devant une foule nombreuse, abordant plusieurs sujets sensibles relatifs à la vie nationale, notamment la situation sécuritaire, les critiques à l’encontre de son gouvernement, et la révision de la Constitution, un dossier qui divise la classe politique congolaise. Ses déclarations ont suscité de vives réactions, en particulier celles concernant les critiques de l’opposition et de l’Église catholique, et sa vision de l’avenir politique du pays.
Sur le plan sécuritaire : « Le match est à notre avantage »
Félix Tshisekedi a d’abord abordé la question de la sécurité, un sujet qui occupe une place centrale dans son mandat en raison des nombreuses insurgences armées et des conflits qui déstabilisent certaines régions de la République Démocratique du Congo. Le président congolais a salué la montée en puissance des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), affirmant que les récentes opérations militaires sur le terrain montrent un bilan positif.
« Pendant que nous parlons ici, sur le terrain des opérations, le match est à notre avantage », a-t-il déclaré, insistant sur le fait que les FARDC sont en train de remporter la bataille contre les groupes armés dans l’Est du pays, notamment contre les rebelles du M23, mais aussi contre d’autres factions criminelles.
Critiques de l’opposition et de l’Église : « Les ennemis et sorciers du pays »
Les propos les plus controversés de Félix Tshisekedi ont porté sur les critiques qu’il reçoit de la part de certains opposants et de l’Église catholique. Selon lui, ces critiques sont infondées et visent à affaiblir les efforts de l’armée. Il a accusé les opposants politiques, sans les nommer, d’être de mauvaise foi en ne reconnaissant pas les avancées des FARDC.
« Les opposants ne disent rien quand les FARDC avancent. Ce sont eux les ennemis, les sorciers du pays. Les autres ennemis et sorciers du Congo sont en soutane », a déclaré Tshisekedi, en référence à certains membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), qui se sont opposés à plusieurs politiques de son gouvernement.
Les propos du président congolais visent notamment les critiques formulées par l’opposition, mais aussi par des acteurs de la société civile et des membres de l’Église, qui ont régulièrement dénoncé la gestion de la crise sécuritaire, le manque de progrès dans les réformes de l’armée, et les violations des droits humains dans certaines zones de guerre. La CENCO, par exemple, a pris position contre la gestion du conflit à l’Est et a exprimé des préoccupations quant à la situation des populations civiles, déplorant les violences et les exactions commises par les forces de sécurité.
La Révision Constitutionnelle : Une Tension Croissante
Un autre sujet majeur abordé par Félix Tshisekedi durant son discours à Mbujimayi a été celui de la révision de la Constitution, un projet qui divise profondément la classe politique congolaise. Tandis que le président Tshisekedi continue de défendre la nécessité de réviser la Constitution pour adapter le texte aux défis politiques et économiques contemporains, l’opposition s’y oppose fermement, estimant que cette initiative vise à prolonger son pouvoir et à modifier des clauses essentielles, notamment celles liées à la limitation des mandats présidentiels.
La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a récemment exprimé son désaveu quant à cette révision constitutionnelle, craignant qu’elle ne soit utilisée pour contourner les principes démocratiques et l’alternance au pouvoir. Cette position de l’Église catholique a alimenté des tensions entre l’Église et le gouvernement, Tshisekedi réagissant en termes assez vifs lors de son meeting.
« Je mettrai fin à leur sorcellerie », a-t-il lancé en référence à ses détracteurs, allusion explicite à ceux qu’il considère comme des ennemis de son gouvernement, et notamment à certains membres du clergé qui ont pris publiquement position contre la révision de la Constitution.
Des déclarations qui attisent la polémique
Les propos du président congolais, particulièrement ceux concernant l’opposition et l’Église, risquent d’alimenter davantage les tensions politiques et sociales en République Démocratique du Congo. L’allusion à la « sorcellerie » et la désignation de ses opposants comme « sorciers » suscitent une vive polémique et sont perçues par certains observateurs comme une attaque contre la liberté d’expression et contre les institutions indépendantes du pays.
Pour les partisans de Félix Tshisekedi, ses déclarations sont une manière de défendre son gouvernement et de dénoncer ceux qu’il considère comme des ennemis du progrès national. Mais pour ses adversaires, et en particulier pour une partie de l’Église catholique, ces propos traduisent une dérive autoritaire et un manque de tolérance à l’égard de la critique.
Un climat politique de plus en plus tendu
Cette prise de position du président Tshisekedi intervient dans un climat politique déjà tendu, où les questions liées à la révision constitutionnelle, à la gestion de la crise sécuritaire et aux accusations de corruption continuent de diviser le pays. Alors que certains appellent à un large consensus national pour répondre aux défis de la RDC, d’autres estiment que la révision de la Constitution est une manœuvre pour renforcer le pouvoir personnel du président, voire pour lui permettre de se maintenir à la tête du pays au-delà de la fin de son mandat actuel.
La question de la révision constitutionnelle risque ainsi de rester un point de friction majeur entre l’opposition et la majorité, avec des implications profondes pour l’avenir politique du pays. La réaction de l’opinion publique, des acteurs de la société civile et des institutions religieuses aux déclarations de Félix Tshisekedi sera un indicateur clé de la dynamique politique à venir.
Conclusion : Une situation politique en effervescence
Le discours de Félix Tshisekedi à Mbujimayi a révélé une fois de plus les fractures profondes qui traversent la classe politique congolaise. Alors que le pays fait face à des défis sécuritaires majeurs et à une opposition qui se renforce, les tensions autour de la révision de la Constitution, ainsi que les critiques vis-à-vis de la gestion de la crise par le gouvernement, continuent de façonner le paysage politique congolais. Le chemin vers les élections de 2025 semble incertain, et la manière dont le président Tshisekedi et ses opposants géreront ces tensions pourrait bien déterminer l’avenir politique de la RDC dans les mois à venir.