Une photographie récemment prise à Goma fait grand bruit dans les milieux politiques et sécuritaires de la région. On y voit Jean-Marie Runiga, ancien président politique du Mouvement du 23 Mars (M23), poser aux côtés de figures de premier plan du groupe rebelle, notamment Sultani Makenga, Bertrand Bisimwa, Willy Manzi et Corneille Nangaa. Une image qui marque un tournant inattendu, tant la relation entre Runiga et le reste du leadership du M23 avait été marquée par des dissensions profondes par le passé.
Un retour après une décennie de silence
Jean-Marie Runiga avait disparu de la scène publique depuis la fin de la rébellion du M23 en 2013. En pleine crise interne à l’époque, il avait été évincé de la direction politique du mouvement à la suite d’un conflit ouvert avec le chef militaire, Sultani Makenga. Ce dernier l’avait accusé de soutenir une faction dissidente proche du général Bosco Ntaganda, entraînant l’exil de Runiga et son éloignement de la sphère politico-militaire du Kivu.
Dix ans plus tard, son apparition aux côtés de ses anciens rivaux laisse entrevoir une possible réconciliation au sein du M23. Les tensions internes qui avaient conduit à son départ semblent avoir été mises de côté, dans un contexte où le mouvement rebelle continue d’être un acteur majeur du conflit en cours dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Un symbole d’unité ou un réalignement stratégique ?
Ce rapprochement entre Runiga et Makenga intervient à un moment crucial. Le M23, qui a repris les armes en 2021 après plusieurs années d’accalmie, contrôle désormais d’importantes portions du Nord-Kivu. La rébellion, longtemps divisée par des luttes de pouvoir, pourrait chercher à afficher un front uni face aux pressions diplomatiques et militaires.
L’implication de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), ajoute une autre dimension à cette dynamique. Ce dernier s’est récemment lancé dans une initiative politique controversée visant à fédérer plusieurs groupes armés de l’est du pays. La présence de Runiga à ses côtés pourrait donc signaler une tentative de restructuration du leadership du M23, voire une redéfinition de ses objectifs politiques et militaires.
Les enjeux d’un rapprochement
Si cette réconciliation se confirme, elle pourrait avoir des implications majeures sur la situation sécuritaire dans l’est de la RDC. La réintégration de Runiga au sein du M23 pourrait renforcer la légitimité politique du mouvement et faciliter d’éventuelles négociations avec les autorités congolaises et les acteurs régionaux.
Toutefois, ce retour risque également d’inquiéter Kinshasa, qui voit d’un mauvais œil tout renforcement du M23, surtout dans un contexte où les relations entre la RDC et le Rwanda – accusé de soutenir la rébellion – restent extrêmement tendues.
Alors que les contours exacts de ce rapprochement restent flous, une chose est certaine : le retour de Jean-Marie Runiga sur la scène du M23 est un événement qui pourrait rebattre les cartes du conflit dans l’est du Congo. Reste à voir si cette nouvelle alliance tiendra dans la durée ou si elle ne sera qu’un épisode temporaire dans la tumultueuse histoire du mouvement rebelle.